Ravi de vous rencontrer, Sadi Eliyesil. En tant que cinéaste ayant étudié le cinéma et vécu à New York et Los Angeles, quelles sont, selon vous, les différences entre ces deux villes, en termes d’industrie cinématographique et de la vie quotidienne d’un artiste en création ?
Ravi de vous rencontrer également, merci de me recevoir. L’industrie cinématographique de Los Angeles (L.A.) est partie de la fibre de la ville, qui a été façonnée par cette industrie, autant parce qu’elle a fait l’objet de films et autres émissions de télé, que parce qu’elle est un centre de distribution et de tournage. Les gens viennent à L.A. du monde entier pour faire carrière dans le cinéma, donc beaucoup de ceux que vous rencontrez sont aussi dans la course avec vous. On peut y voir soit une concurrence et s’améliorer dans ce qu’on fait, soit une opportunité et rechercher des collaborations potentielles. De plus, les ressources à disposition à L.A. sont tout simplement infinies en matière de réalisation de films. En fin de compte, tout dépend de la façon dont on gère ce qui se présente à soi.
New York est une ville formidable, très diversifiée et compacte. C’est certainement plus pratique d’y vivre, si les hivers froids ne vous dérangent pas. L’industrie de la télévision et du cinéma indépendant y est importante, mais elle n’est pas aussi visible qu’à Los Angeles. Néanmoins, les opportunités y abondent, car le marché est beaucoup moins saturé. Cela signifie également qu’on peut y être engagé comme réalisateur beaucoup plus facilement que sur le marché de Los Angeles.
À mon avis, New York était l’endroit idéal pour se concentrer et apprendre. Cependant, quand il s’agit de se construire une carrière dans le cinéma, Los Angeles offre plus d’opportunités et de possibilités de développement. À New York, vous pouvez être le seul vidéaste sur un projet, mais à L.A., parce que plus de gens se réunissent pour produire des projets plus importants, on peut souvent rencontrer quelqu’un qui vous aidera à obtenir des contrats dans l’industrie.
On ne peut pas dire que l’une est meilleure que l’autre; chacune présente des avantages uniques. En fin de compte, tout dépend de ce que vous voulez faire dans ce secteur et de vos priorités.
Comment l’histoire est-elle née, qu’est-ce qui vous a donné l’idée de cette intrigue ?
En tant que fan de films noirs, je voulais tourner quelque chose qui illustre mon regard sur le genre. La partie personnelle du film concerne la relation que j’ai eue avec ma mère, qui attendait de moi que je réussisse. En tant que fils, vous voulez toujours dire ce qui les rend heureuse. J’ai mêlé cette expérience personnelle à ma fascination pour le monde complexe du genre policier. J’ai maximisé l’aspect des dangereux sacrifices qu’il faut faire pour réussir.
Dans notre cas, les personnages parient leur vie dans un match à mort pour atteindre ce succès ultime. D’un autre côté, ils sont achetés pour devenir des gladiateurs, ou dans ce cas des bouffons, là pour divertir. Je voulais faire de cette histoire un récit sur la manière dont ces individus traitent et racontent leurs proches. J’ai trouvé intéressant de montrer trois personnages uniques, avec trois mamans différentes, chacune ayant une approche et une réaction uniques face à ce combat qui peut mettre fin à leur vie.

Comment avez-vous choisi votre producteur, et comment ce premier film a-t-il été financé ?
Ma productrice Tancy Karat est une camarade de l’école de cinéma. Elle a produit presque tous mes films, commerciaux et fictions. Au fil des ans, elle a appris à bien me connaître et m’a aidé à trouver les bons lieux de tournage et les bonnes équipes, qui ont vraiment contribué à la qualité générale du film. Le financement du film a été assuré par moi-même, ma famille et quelques amis proches qui ont cru au projet et à son succès probable dans les festivals.

Avez-vous un genre cinématographique préféré, et quels sont vos réalisateurs favoris ?
Comme je l’ai déjà dit, je suis un fan de films policiers. Un mystère subtil avec un soupçon de violence. Je dirais que Tarantino, Nolan et Scorsese m’ont le plus influencé. Chacun s’est emparé d’un genre, l’a déconstruit puis reconstruit selon sa propre vision. J’ai aussi l’intention d’atteindre un jour un style symbolique qui soit reconnaissable par mon public.

Croyez-vous que la « survie du plus fort » est une idée ou une valeur exclusivement occidentale, ou pensez-vous qu’elle est profondément ancrée dans la psyché humaine ?
– D’une certaine manière, c’est le cas, même si aucune femme n’apparaît dans le court métrage. Je disposais de ressources limitées et il était difficile de trouver des femmes hispanophones à Seattle (le lieu du tournage) pouvant jouer en espagnol avec un accent madrilène. Cela m’a obligé à modifier un peu l’histoire pour l’adapter à ce que j’avais à ma disposition. Cependant, l’histoire porte la marque d’une matriarche remarquable (la mère d’Alberto et de José). On peut voir à quel point leur mère les a influencés, car elle est au centre de leurs intentions psychologiques, même après sa mort. Leur mère est devenue plus une histoire secondaire, mais elle influence tout le film.
Je pense personnellement que l’Espagne et l’Amérique latine partagent l’idée que de nombreuses femmes sont des « matriarches », car elles sont considérées comme le moteur de nombreuses familles. La perception selon laquelle de nombreuses femmes d’Amérique latine sont considérées comme des matriarches peut être attribuée à plusieurs facteurs culturels, historiques et sociaux particulièrement importants dans ces régions. Sans tomber dans des généralisations et sachant que toutes les femmes ne correspondent pas à cette description, certains facteurs tels que les rôles de genre, les attentes, les sociétés centrées sur la famille, l’influence des sociétés matrilinéaires, la grande valeur accordée à la maternité, l’autonomisation des femmes, le leadership, les luttes historiques et la résilience – en particulier dans les familles où la figure paternelle est absente – ont contribué à la perception des femmes en tant que matriarches dans certaines communautés.
La séance des jumeaux est alimentée par cette perception. La mère d’Alberto et de José est une mère imparfaite mais très influente, car ses fils jumeaux semblent apprécier ses intentions et faire tout leur possible pour obtenir des réponses d’elle, même si elle n’est plus là.
Abhijit Naskar, auteur de The film testament, a dit : « Quel que soit votre genre de prédilection, le film romantique, la comédie, le films d’action, le mystère, la science-fiction ou autre, assurez-vous qu’il dispense avant tout une dose de bonté humaine du quotidien. » Votre art se reconnaît-il dans un genre ?
Je crois que l’idée de la survie du plus apte a toujours existé. Si on attribue sa définition formelle à Darwin, c’est un élément commun que l’on retrouve dans l’essor et le déclin des civilisations à travers l’histoire. Ce qui est différent à notre époque, c’est que la définition moderne du « plus apte » s’est déplacée et change selon la culture.
Je ne dirais pas qu’elle est exclusive au monde occidental, mais qu’elle y est plus répandue. On nous dit qu’il faut être en pleine forme, que ce soit sur le plan de la santé, de la carrière ou de la vie sociale. Cette notion crée généralement des conflits dans les histoires. Pour l’explorer dans mon film, j’ai opposé une personne qui n’a rien à perdre, un homme riche et un homme dangereux, afin de déterminer quelle valeur serait la « plus apte ».

Quels défis avez-vous dû relever en tant que réalisateur débutant, qu’est-ce que votre premier tournage vous a appris et que vous garderez à l’esprit tout au long de votre carrière ?
Prendre des risques et viser plus haut, ou être un peu ambitieux, est une pratique dangereuse dans la réalisation. Une seule erreur de calcul peut ruiner une scène et perturber tout l’équilibre du film. Le défi, c’est surmonter cela et s’adapter : comment limiter la casse et protéger l’intégrité de votre histoire. J’ai payé mes erreurs de production en post-production. J’ai été patient, j’ai travaillé avec les bonnes personnes, ce qui m’a permis de remporter des prix dans les catégories respectées de la post-production. Tout se joue avec le papier et le crayon, lors de l’écriture du scénario.
Êtes-vous capable de faire en sorte que cela se produise ? Si vous perdez le pari, êtes-vous prêt à en assumer les conséquences ? En tant que réalisateur, il faut être prêt à faire face à des résultats inattendus. Connaître ses capacités est essentiel. Être patient et travailler constamment sur le projet permet d’améliorer les résultats et d’apporter le succès.
Votre prochain projet est-il déjà en préparation ? Pouvez-vous en parler à votre public ?
J’ai deux projets en cours simultanément. Je travaille sur un podcast scénarisé, sur le thème du crime, avec une société très prometteuse ici à Los Angeles, Rebel Way Entertainment. J’espère qu’il sortira à la fin de l’année. J’ai également commencé à écrire une émission de télévision et je passe en revue les longs métrages que j’ai écrits l’année dernière. Je compte revenir sur la scène des festivals avec de nouveaux projets d’ici la fin de l’année.
Quelle est votre vision du cinéma post-Covid, pensez-vous qu’il y aura des changements importants ?
Je pense que le Covid a déjà eu un impact énorme sur l’industrie cinématographique.
Avec la fermeture des cinémas et les nouvelles réglementations, les studios ont ralenti la production de nouveaux films. Cela a permis aux nouveaux contenus d’affluer, des réalisateurs indépendants qui n’étaient pas freinés par ces réglementations aux plates-formes de streaming qui ont connu un essor considérable car de plus en plus de gens se tournent vers le divertissement à domicile.
Covid est peut-être temporaire et on peut déjà voir les grands studios reprendre là où ils s’étaient arrêtés et les cinémas rouvrir. Pour moi, le changement notable ou la prise de conscience est que nous avons vu que, quoi qu’il arrive dans le monde, l’industrie cinématographique s’adaptera toujours et s’améliorera.
BIO
SADI ELIYESIL
RÉALISATEUR & SCÉNARISTE
Le cinéaste turco-colombien Sadi Eliyesil est né le 10 octobre 1988 à Istanbul, en Turquie.
Il a vécu et étudié en Turquie, en Suisse et aux États-Unis. Après avoir obtenu son diplôme de l’Université Bryant de Rhode Island, il rentre en Turquie pour poursuivre une carrière en entreprise. Après 4 ans passés dans le monde de l’entreprise, il décide de changer de profession et de poursuivre une carrière de cinéaste aux États-Unis. Il s’inscrit et obtient un Master en Développement de longs métrages à la New York Film Academy, où il est formé à l’écriture, la réalisation et la production de longs métrages. Il travaille ensuite à plein temps en tant que producteur vidéo pour Porsche Downtown L.A..
Parallèlement à son travail commercial, Sadi a écrit et réalisé un court métrage indépendant, Jesters Paradise, qui a remporté 51 prix dans des festivals de cinéma du monde entier. Suite à son succès dans les festivals, il a été engagé comme consultant pour Rebel Way Entertainment, une société de production basée à Los Angeles dédiée à la production de longs métrages, d’émissions de télévision et de podcasts scénarisés.

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